La dépêche du dimanche : Roonui, votre bras droit
est entièrement noir, alors que vous avez tout le reste du
corps très harmonieusement atoué, pourquoi ?
Roonui : Je suis l’un des premiers Tahitien de la nouvlle
génération entièrement tatoués, mon
bras droit a été noirci afin de couvrir d’anciennes
marques qui n’étaient pas harmonieuses.
La dépêche du dimanche : Utilisez-vous une
machine à tatouer ?
Roonui : J’ai inventé la machine à tatouer
qui utilise un rasoir de voyage. Je travaille toujours avec deux
machines que j’équipe d’aiguilles neuves. Si
au cours d’un travail l’une d’entre elles a un
problème, je n’ai qu’à changer instantanément
de machine, mon client n’a pas à attendre.
La dépêche du dimanche : Comment avez-vous
débuté cette profession ?
Roonui : Je n’ai jamais demandé à être
tatoueur, c’est une sorte de mana (force occulte) qui m’a
poussé vers ça, c’est ce mana qui appuie mes
dessins. Quand je les finis, il y a toujours quelque chose de plus
que moi-même, un autre signifié, c’est l’influence
de ce mana.
La dépêche du dimanche : Quelle influence ?
Roonui : Dans l’ancien temps, il y avait beaucoup de
Tahua* (homme pouvoirs), le Tahua qui guérit, le Tahua qui
bénit, le Tahua qui tatoue, celui qui parle avec les morts,
et ainsi beaucoup d’autres, chacun ayant sa propre spécialité.
Maintenant tout le monde fait du tatouage, il y a quelque chose
de faux, les gens volet plus le résultat que le pouvoir,
c’est comme cela que l’on continue à ne pas avoir
de culture.
La dépêche du dimanche : Qui tatouez-vous ?
Roonui : Mes clients sont essentiellement des militaires et
des touristes. Je travaille toujours à main levée
après avoir dessiné au stylo les grandes lignes du
dessin. Tous les motifs sont ainsi uniques et originaux. Cette semaine
nous allons aborder la première loi des tatous : ne
pas tatouer une personne de moins de 18 ans.
Dans la tradition polynésienne, les tatouages commençaient
dès la puberté chez les garçons et un peu plus
jeune chez les filles. Dans un mode de vie tribal où les
tatous étaient de rigueur, il était logique de commencer
tôt. Actuellement, avec un mode de vie moderne, le tatou doit
être un choix individuel longuement réfléchi
et aux nombreuses conséquences sociales. Il s’agît
d’une sore de mariage. Comme pour ce dernier, il es fortement
recommandé de ne pas s’engager avant la maturité,
soit la 18è année.
Cette loi est en accord avec le renouveau de la culture maohi qui
a intégré la religion chrétienne, et le mode
de vie occidental incluant la notion de maturité à
18 ans.
Si les gamins à l’école jouent encore à
se faire des tatouages, leur entourage devrait leur interdire cette
pratique qu’ils pourront regretter amèrement une fois
atteint l’âge adulte.
Un exemple vécu est celui de cette jeune étudiante
qui est partie suivre des études supérieures à
Montpellier.
Excellente nageuse, elle s’et inscrite au centre sportif universitaire
où elle a rencontré de nombreuses difficultés
relationnelles à cause de ses tatous.
Si, en Polynésie, les tatous sont devenus une réalité,
une normalité, il n’en va pas de même en Occident
où ils supportent une connotation péjorative.
Bien que cette tendance soit de plus en plus modérée,
car la mode des tatous fait aussi rage en Occident, il convient
d’être prudent et c’est donc pourquoi un tatou
doit être mûrement choisi et donc pas chez les mineurs.
Bernard
Lompré
Glossaire
fare
potee : maison traditionnelle tahitienne.
fare
tatau : maison traditionnelle tahitienne servant uniquement
au tatouage.
Tahua :
Homme pouvoirs
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