Roland Purotu
La
dépêche Dimanche : Purotu c’est votre nom
n’est-ce pas ?
Roland Purotu : Les gens âgés m’appellent
Purotu, les autres m’appellent Roland
La dépêche Dimanche : Où travaillez-vous,
que faîtes-vous ?
Roland Purotu : Je travaille à mon domicile à
Mahina, en plus du tatouage, je pratique la sculpture, la peinture,
la gravure sur nacre, des « trucs » locaux…
Le tatouage c’est depuis 1982, jusqu’à cette
année, j’ai tatoué la plupart des tatoueurs
d’ici : Tavana (…passage manquant) toute la bande…
La dépêche Dimanche : Que savez-vous de la
signification des motifs ?
Roland Purotu : L’ensemble des motifs, qu’ils soient
anciens ou récents, parlent tous de l’Univers, de la
Terre et de la mer, des Animaux et des Plantes et de ce que les
Hommes en font.
La dépêche Dimanche : Quel est votre sentiment
pendant le tatouage ?
Roland Purotu : Il y a une sorte de mana qui vient en moi et
qui me pousse à dessiner, tu n’as pas besoin de réfléchir,
le dessin ça vient tout seul.
La dépêche Dimanche : Vous sentez-vous un
Arioi ?
Roland Purotu : Je ne suis pas compétent pour répondre
à cela, il est mieux de demander ça à Raymond
Graffe.
La dépêche Dimanche : Allez-vous continuer
vos tatouages personnels ?
Roland Purotu : Je ne sais pas quand, je n’ai pas encore
trouvé de tatoueur suffisamment rapide.
La dépêche Dimanche : Combien de temps faut-il
pour former un tatoueur ?
Roland Purotu : Je pense qu’il faut avoir quatre à
cinq années d’expérience pur atteindre le stade
de Vetea
La dépêche Dimanche : Est-il un de vos élève ?
Roland Purotu : Il est compétent pour ce qui est du
dessin, je lui ai montré comment on utilise la machine.
Ce que je lui ai apporté n’est rien, l’important
c’est le dessin, après ça va venir automatiquement,
il faut comprendre le dessin, après tu peux devenir tatoueur.
La dépêche Dimanche : Il faut comprendre le
dessin ?
Roland Purotu : Chaque pays a son dessin, chaque île
a son dessin. Le tatoueur doit savoir tatouer en Tuamotu ou en Australes,
sans faire de confusions.
La dépêche Dimanche : Comment faire la différence ?
Roland Purotu : Sur la coque de la pirogue Tahiti Nui, il y
a tous les motifs qui y ont été sculptés, les
motifs de tous les archipels.
La dépêche Dimanche : Plus tard, Raymond Graffe
nous a appris que l’auteur de ces sculptures était
Roland Purotu lui-même…
Tavaearii
La
dépêche Dimanche : Lors d’une précédente
rencontre, pour la Dépêche Dimanche, vous rêviez
d’un village artisanal, en voici un n’est-ce pas ?
Tavaearii : Ici, ce n’est pas encore un vrai village,
pourtant c’est déjà un village d’artistes
avec les mamas et les sculpteurs.
La dépêche Dimanche : Qui est venu se faire
tatouer ?
Tavaearii : Des locaux et des étrangers… Des français
et des américains, mais les jeunes de moins de dix huit ans
qui se présentaient, on ne les tatouait qu’avec l’autorisation
des parents.
La dépêche Dimanche : Etes-vous satisfait de l’expérience.
Tavaearii : L’expérience a eu du succès
et nous sommes prêts à recommencer. Oui, vraiment,
surtout d’être comme ici, trois tatoueurs avec le prêtre.
La dépêche Dimanche : Vous n’êtes
tatoué qu’à moitié, quel est votre projet
à ce sujet ?
Tavaearii : Je pense continuer à me tatouer, ce n’est
pas encre fini, ce n’est jamais fini, il faut se tatouer tout
le temps, jusqu’au bout !
La dépêche Dimanche : Vous sentez-vous un Arioi ?
Tavaearii : Je ne peux pas répondre à cette question.
La dépêche Dimanche : Tahua alors ?
Tavaearii : Non, il n’y a qu’un seul prêtre
ici, c’est Raymond.
La dépêche Dimanche : Mais alors ?
Tavaearii : Disciple, oui, c’est ça, disciple
et tatoueur.
Vetea
Du haut de ses 24 ans, Vetea a fait figure de novice pendant les
Journées du Tatouage, mais il est reconnu comme valeur montante.
En le regardant, Raymond Graffe disait que la relève était
assurée, Purotu saluait sa compréhension du dessin.
La
dépêche Dimanche : Tu viens de l’Ecole des
métiers d’art, n’est-ce pas ?
Vetea : Oui, je suis rentré à l’Ecole des
métiers d’art, j’avais 17 ans, j’y suis
resté trois ans et c’est là que j’ai appris
la sculpture et le tatouage.
La dépêche Dimanche : Vous avez suivi des
cours de tatouage au centre des métiers d’art ?
Vetea : Non, on y enseigne la sculpture, le dessin, mais pour
l’application de ces connaissance au tatouage, c’est
Roland Purotu qui m’a montré. Il m’a montré
le maniement des aiguilles et comment on tient la machine, car pour
ce qui est du dessin, je le fais moi-même.
La dépêche Dimanche : Comme par exemple sur votre
jambe gauche ?
Vetea : Oui, j’ai tracé le dessin mais c’est
un copain qui me l’a tatoué.
La dépêche Dimanche : Puis à la sortie
de l’école ?
Vetea : Je suis rentré chez Artisor, où je fais
de la création de bijoux, je recherche de nouveaux modèles…
Mais, à mon domicile de Tipaerui, je fais de la sculpture
et du tressage de fibre de coco, des objets en os, bois nacre, pierre,
etc…
La dépêche Dimanche : Et le tatou ?
Vetea : C’est une activité créatrice, comme
la sculpture et la bijouterie. Ces trois activités sont complémentaires,
ce que j’apprends en bijouterie, je le mets au service de
la sculpture et du tatouage.
La dépêche Dimanche : Si vous deviez vous
définir ?
Vetea : Sculpteur, oui, sculpteur, le tatouage, c’est
un peu de la sculpture…
(Encart) Fabriquer de la teinture traditionnelle
par Raymond Graffe
La
dépêche Dimanche : Vous dîtes volontiers
qu’il ne faut jamais utiliser d’encre de chine pour
faire des tatouages, que préconisez-vous ?
Raymond Graffe : La teinture traditionnelle, faîte à
partir de la noix de bancoule
La dépêche Dimanche : Pouvez vous en donner
la recette à nos lecteurs ?
Raymond Graffe : Tout d’abord, il faut trouver un bancoulier
et ramasser les noix.
La dépêche Dimanche : Elles ressemblent à
de petites pommes vertes, c’est ça ?
Raymond Graffe : Mais non, ne te fatigue pas à les cueillir,
il suffit d’attendre la saison et de les ramasser par terre,
quand elles sont naturellement sèches.
La dépêche Dimanche : Que faire ensuite de
ce noix sèches ?
Raymond Graffe : Il fait casser les noix et en recueillir l’amande
qui est à l’intérieur. Ensuite, on enfile ces
noix sur une nervure de palme de cocotier, par chapelets de cinq
à dix. C’estla lampe ancienne, c’est la bougie
des anciens.
La dépêche Dimanche : Et de la lampe à
l’encre ?
Raymond Graffe : On ne dit pas encre, on dit teinture. Si tu
enflamme ta lampe par le bas, elle va brûler, une noix après
l’autre. Une fois calcinées, il reste de petites boules
de charbon qu’il faut piler et mélanger avec de l’eau
et du monoï.
La dépêche Dimanche : De l’eau ou du monoï ?
Raymond Graffe : Pour une teinture destinée au tapa,
il faut méanger avec de l’eau, pour une teinture destinée
au tatouage, il faut utiliser le monoï.
Propos
recueillis par Bernard Lompré |