Apres 25 ans de tatouage, bernard lompre se dédie a la peinture d'art

Erik Lompré dessine votre futur tatouage

Dessin psychographique

Rencontre avec Raymond Graffe

La dépêche du dimanche – 25 février 1996

La dépêche du dimanche – 25 février 1996

Raymond Graffe, depuis de nombreuses années officie dans les cérémonies liées au savoir ancestral et aux us et coutumes des temps précédant la christianisation.

 

Raymond Graffe est tout aussi expert dans les cérémonies de marche sur le feu que dans l’art du tatouage. Son sérieux et sa crédibilité font de lui un expert attaché auprès du Musée de Tahiti et ses îles.

 

Il se voit actuellement confier la mise en place de la délégation de Polynésie française au Septième Festival des Arts du Pacifique qui se déroulera en septembre prochain aux Samoa occidentales.
27 états du Pacifique vont participer à cet événement qui se définit comme une rencontre des traditions polynésiennes, mélanésiennes et papoues.

 

L’artisanat, les chants et les danses seront associées au tatouage. Début février il préside la formation d’un groupe de trois tatoueurs qui se sont produits pendant trois jours au Village Artisanal de Tipaerui.

 

La dépêche Dimanche : Une théorie dit que l’ésotérique des tatouages viendrait d’une écriture perdue dans la nuit des temps ?

 

Raymond Graffe : J’en suis persuadé, pour moi il existait un continent qui abritait une civilisation très évoluée.
Certains appellent ce continent Mu, il serait comparable à l’Atlantide et aurait été submergé.
La bible parle du déluge et en voici une éventuelle conséquence.
Cette civilisation Mu aurait parfaitement maîtrisé l’écriture et il est possible d’en retrouver des exemples sur les célèbres plaquettes de Rapa Nui.
Notre écriture Mu s’est peu à peu perdue, seule une partie arrive jusqu’ici grâce à la tradition orale.
Prenons l’exemple de la poterie, il est intéressant de noter que les découvertes archéologiques mettent à jour des fragments de poterie dans tout le chemin parcouru par nos ancêtres, du sud-est asiatique jusqu’aux Samoas et plus rien par la suite, vers l’Est.
Il est possible que cet art de la céramique se soit alors perdu, comme l’art de l’écriture se serait perdu pour enrichir celui du tatouage.

 

La dépêche Dimanche : De la perte de l’écriture à la perte de la signification des motifs ancestraux du tatouage, existe-t’il une comparaison ?

 

Raymond Graffe : La signification des motifs ancestraux n’est pas perdue, elle est détenue entre les mains de ceux qui savent, et avec le département des traditions orales du Musée de Tahiti et des îles, nous sommes à votre disposition pour approfondir ce sujet, de même que cette recherche pourrait être une priorité des assises du tatouage…

 

La dépêche Dimanche : Vous officiez la cérémonie d’ouverture avec la prestance d’un grand prêtre, êtes vous le seul prêtre savant en traditions orales ?

 

Raymond Graffe : Parmi les prêtres tatoueurs qui sont ici présents, ils ont tous du savoir et du pouvoir, mais un seul d’entre eux a atteint le niveau suffisant pour être nommé officiellement prêtre-tatoueur, il s’agît de Purotu, qui est mon compagnon depuis plus de quinze années ; j’ai ici avec moi deux jeunes : Tava qui pratique depuis quinze années déjà et Vetea, un autre jeune trs doué.
Ils ont encore bien des choses à acquérir avant d’être au niveau de Purotu.

 

La dépêche Dimanche : Quels sont, pour vous, les clients du tatouage ?

 

Raymond Graffe : Le meilleur client du tatouage c’est le polynésien, l’avenir du tatou c’est dans nos mains et sur leur peau. De 70 à 80, poussés par une certaine recherche d’identité, nous avons voulu renouer avec nos us et coutumes.
Le tatouage, apparu en 1980, a été un véritable électrochoc culturel, depuis 1986, il n’est pas en récession, bien au contraire, il est en pleine croissance.
Il faut y ajouter les 25000 touristes par an qui veulent un potif personnalisé.

 

La dépêche Dimanche : Motif personnalisé, que voulez-vous dire par là ?

 

Raymond Graffe : Bien, il y a les motifs traditionnels, ceux qu’on trouve dans les bibliothèques, ceux là, on n’a pas le droit d’y toucher, ils appartiennent à nos ancêtres, ils appartiennent au passé. Ce qu’il faut maintenant c’est utiliser ces éléments comme généalogie et créer pour chaque tatou, une interprétation différente, une création unique.

 

La dépêche Dimanche : Pourtant certains tatoueurs utilisent des transferts, pour aller plus vite, n’est-ce pas ?

 

Raymond Graffe : On doit travailler sans base, la créativité est tellement vaste qu’on peut tout imaginer, les motifs copiés ‘est comme la bibliothèque, ou comme l’héritage des ancêtres, ce qui appartient aux autre, tu n’as pas le droit d’y toucher, tu dois tout juste t’en inspirer, en faire ton école mais jamais ta pratique.

 

La dépêche Dimanche : Quand vous parlez de pratique, quel sont vos conseils ?

 

Raymond Graffe : La première chose est la sécurité pour la santé, il existe une réglementation de l’assemblée territoriale concernant ‘hygiène et la salubrité publique qui définit toutes les précautions qui doivent être prises.
Le docteur Delpêche de l’hygiène est l’homme le plus compétent en la matière.
Le second point est que j’interdis absolument l’utilisation de l’encre de chine, j’utilise exclusivement la noix de bancoule.
Et, troisième point, la règle est qu’on a pas le droit d’usurper des motifs. L’interprétation des motifs est liée à une généalogie, chacun est responsable de son motif et chaque motif est une chose vivante, personnalisée, chaque personne a droit à son motif propre, personnel et personnalisé.

(Encart) Bref historique de la pirogue Tahiti Nui :

 

La dépêche Dimanche : Purotu a mentionné la présence de motifs tatou sur les flancs et à l’intérieur de la pirogue de Tahiti Nui ; pourriez-vous retracer brièvement l’histoire de cette pirogue ?

 

Raymond Graffe : C’était en 1980, Francis Cowan et Mathai Bridgewell ont lancé leur projet de construction de pirogue de leur initiative et financements personnels, jusqu’à avoir besoin d’aide. Ils se sont tournés vers le gouvernement, ce qui leur a permis de recevoir 25 millions de CFP.
Il s’agissait de la construction de Hawaiki Nui, sur des troncs de Totaru, qui appartenaient à la tribu maori d’origine de Mathai. Ces arbres avaient quatre cent ans d’âge.
A la voile, cette pirogue s’est rendue en Nouvelle Zélande.

 

La dépêche Dimanche : Et là ont commencé les problèmes ?

 

Raymond Graffe : Les Maoris ont revendiqué la propriété des troncs d’arbres et donc celle de la pirogue, Tahiti en revendiquait le financement, il s’en est suivi un procès international.
Une fois gagné le procès, la pirogue re-intègre Tahiti, en 87 je crois…
Tout d’abord elle a été entreposée à l’OTAC, puis, plus tard, dans les jardins du musée, mais sans entretien particulier, la pirogue s’est lentement dégradée.
En 1993, les états insulaires du Pacifique décident de construire une pirogue chacun, et d’organiser à Raiatea le grand rassemblement des pirogues transocéaniennes, là on s’est soudain souvenu de l’existence de Hawaiki Nui.
Pour ce faire, les deux troncs d’arbre ayant servi de base à Hawaiki Nui ont été récupérés pour servir de base à la construction de Tahiti Nui.

 

La dépêche Dimanche : Hawaiki Nui a été détruite pour construire Tahiti Nui ?

 

Raymond Graffe : Tahiti Nui a été construite par Edouard Maamaatua en dix mois pour aller à Raiatea. Les quilles de Hawaiki Nui ont été récupérées, le reste de l’ancienne pirogue était atteint par les termites.
Une fois au temple sacré de Taputapuatea chaque nation a apporté une pierre de son archipel, qui ont été déposées sur une stèle.
Puis le rassemblement s’est déplacé de Raiatea à Tahiti, de Tahiti aux Marquises pour participer au festival de l’Art de l’archipel.
Le regroupement de pirogues doubles transocéaniques s’est ensuite rendu à Hawaï, dernière destination du programme.

 

La dépêche Dimanche : Le retour s’est fait à la voile et sans bateau suiveur ?

 

Raymond Graffe : Les performances enregistrées lors du retour Hawaï-Tahiti ont montré que le pirogue était parfaitement à même de naviguer en haute mer et sans bateau accompagnateur. Actuellement la pirogue est au sec, mais il est prévu de l’élargir, avant de la remettre à l’eau afin d’améliorer encore son comportementmarin, mais il s’agît d’une excellente pirogue transocéanique. L’objectif est d’aller aux Samoa occidentales avec ellesavec elle, pour participer aux Festival des Arts du Pacifique Sud, en septembre prochain.

 

Propos recueillis par Bernard Lompré

Rencontre avec Bernard Lompré
Dans la lignée de Raymond Graffe